Le long du chemin de Saint Jacques de Compostelle que j’ai emprunté sur 850 km cet été, j’ai reçu beaucoup de cadeaux, des pépites que j’ai gardées dans mon coeur, en voici l’essence de quelques unes:
Le dépouillement
Marcher des centaines de kilomètres et porter son sac sur le dos avec toutes ses affaires pendant de longues journées, en voilà une drôle d’idée… Et pourtant l’idée de porter son sac m’a attirée car elle m’a questionné sur mes besoins: avec quoi avais-je absolument besoin de partir ? Qu’est ce qui est essentiel, qu’est ce qui est superflu ? Quelle peur je porte dans mon sac : d’être mouillée, d’être malade, d’avoir froid?
Me voilà déjà en chemin vers moi-même, mes besoins, mes priorités, mes peurs avant de fouler le premier pas sur le chemin… Me dépouiller pour mieux me rencontrer…
Au final je pars avec 6,5kg d’affaires, en y ajoutant l’eau et le pique-nique c’est 8kg que je porte avec moi chaque jour.
L’intelligence du corps
La marche offre un repos pour le mental, assez rapidement, la tête se met au repos, les pensées s’apaisent pour laisser l’espace à l’instant présent, rien à anticiper, rien à prévoir, simplement un pas devant l’autre, être présent, ouvrir ses sens et communier avec la nature, se reconnecter à soi et à ce qui nous entoure. Perdre la notion du temps, gagner la saveur de l’instant…
L’intelligence du deuxième cerveau, dans notre ventre se met en route et c’est le corps qui décide: quand s’arrêter, jusqu’où aller, quand manger, se synchroniser avec le rythme du soleil… Le corps sait exactement ce qui est juste pour lui, certains jours ce sera 20 km, d’autres 30km, tout dépends de l’énergie du jour et c’est un cadeau d’avoir l’occasion de l’écouter en dehors de toute contrainte de rythme souvent imposé dans notre quotidien.
La fluidité
j’ai aussi découvert sur le chemin que lorsqu’on choisit de se laisser porter par le chemin, et qu’on fait confiance, tout est facile, tout ce dont on a besoin vient: un endroit pour dormir, une rivière pour se baigner, un stand avec des thermos de café et des fruits juteux avec le panneau “servez-vous”, la fraîcheur d’une belle église, une fontaine, …
Les rencontres se font aussi avec énormément de fluidité, on quitte une personne qui s’arrête là pour le moment, on en retrouve une autre, des groupes se forment, des amitiés se nouent, on vit la rencontre dans l’instant, sans attente, on rit, on chante, on échange sans masques, tous marcheurs, tous pèlerins, tous en route vers la même direction.
Ça a été une clé pour moi de sentir qu’en vivant vraiment sans attente, en faisant confiance simplement à l’instant, c’est là que les plus beaux moments étaient vécus.
Lorsque l’engagement d’avancer dans sa direction se couple avec le lâcher prise, se développe alors une confiance inébranlable et une paix intérieure, comme portée par une force bien plus grande que sa petite personne.
Goûter la détente dans la douleur et dans l’inconfort
A force de porter 8 kg sur le dos, à la longue, il y a eu des moments où les épaules me lançaient et où les muscles se raidissaient. J’ai pris le parti d’accepter la douleur, complètement, de l’accueillir et de ne pas y ajouter de la souffrance en me plaignant ou en ruminant.
De même, une fois où il pleuvait à verses dans le Pays Basque, j’ai décidé après quelques minutes de lutte contre cette pluie qui me trempait, de complètement accepter de me laisser tremper, accepter que ce soit ma réalité à cet instant.
C’est alors que la détente s’installe, quel cadeau de sentir que je peux me détendre dans l’inconfort, dans la douleur plutôt que lutter contre. J’en ai même ressenti de la joie: je peux me détendre dans l’inconfort, just singing in the rain !
La joie
Sur le chemin, j’ai goûté à la joie, comme un réservoir qui s’est de plus en plus ouvert, comme un barrage qui s’ouvre, j’ai eu accès à une joie intense et profonde et senti qu’elle venait de l’intérieur, qu’elle ne dépendait pas des circonstances extérieures, juste la joie d’être présente et d’être vivante et qu’il suffisait de s’y connecter, d’ouvrir le robinet pour y avoir accès.
L’émerveillement
Je retiens aussi de ce chemin un émerveillement quotidien, de voir à quel point la nature était belle, de me sentir envahie par la beauté de ce monde, comblée par ce que la vie m’offrait, connectée à ce qui m’entourait. Ce sont des petites choses qui connectent à la magie, le chant d’un oiseau, la fraîcheur d’une rivière, la joie d’un échange, le sourire d’une vieille dame, la saveur d’un fruit cueilli, la beauté d’un papillon ou d’une étoile filante, je nous souhaite de prendre le temps de les voir ; où qu’on vive, la magie est présente pour qui veut bien y croire…
“Je ne suis qu’un piéton, rien de plus” Arthur Rimbaud
“On voit à la démarche de chacun s’il a trouvé sa route. L’homme qui s’approche du but ne marche plus il danse” Nietzsche
“Arbres de la forêt, vous connaissez mon âme” Victor Hugo
“La nature nous parle mais nous ne savons pas l’écouter” Victor Hugo
Trés belle et très juste description du chemin, je partage notamment le sentiment de se laisser porter par le chemin de voir positivement tous les instants présents comme une nouvelle surprise, un instant agréable, une piste à explorer, un contact à créer.
Ce qui était présent pour moi également, c’est le sentiment de dépassement de soi et de liberté qui en découle, la découverte de nouvelles possibilités que l’on avait en soi mais que l’on n’avait pas forcément perçues…
Une question, il m’a semblé reconnaître la photo au premier coup d’œil même après 5 ou 6 ans , s’agit-il du chemin dans le Gers peu avant les Landes, le long d’ue ancienne voie ferrée.
Merci pour ce chouette témoignage, ça fait chaud au coeur de voir qu’on partage une expérience forte avec beaucoup, c’est vrai que le dépassement de soi m’a aussi beaucoup portée, des que j’ai besoin de courage encore aujourd’hui j’y pense, ultreia ! Pour la photo je ne me souviens plus précisément, c’est tout à fait possible que ce soit à cet endroit, j’y suis passée! Amicalement, Emilie